Outils d’éducation aux droits du travail dans le programme du Chèque emploi-service

Guide des personnes usagères

6. Problèmes en cours de route ?
Retard de paiement
La travailleuse que j’emploie attend son chèque de paie et celui-ci n’est pas encore arrivé, même s’il le devrait. Pourtant, j’ai déjà envoyé le formulaire « volet social », qui sert de « feuille de temps ». Que faire?

Votre obligation est de remplir et de faire parvenir au Centre de traitement du Chèque emploi-service le formulaire « volet social », qui sert de « feuille de temps » aux travailleuses. Ce formulaire doit être rempli aux deux semaines.

La personne salariée a le droit d’être payée à intervalles réguliers (article 43 de la LNT). Ces intervalles ne peuvent dépasser 16 jours, ou un mois lorsqu’il s’agit d’un nouvel emploi. Pour tout retard de salaire, la travailleuse peut porter plainte à la CNESST. Cet organisme fera enquête et récupérera pour la somme due pour la travailleuse.

Selon des témoignages, il pourrait arriver que le retard de paiement soit le résultat de retards ou d’erreurs survenus lorsque le formulaire volet social du CES est acheminé du CLSC au Centre de traitement du Chèque emploi-service. La procédure au moment d’écrire ces lignes étant qu’une personne usagère qui utilise le CES pour la première fois doit envoyer les documents à la personne intervenante au CLSC, qui elle-même doit l’acheminer à une personne travaillant à l’administration au sein du CLSC, et ensuite au Centre de traitement du chèque emploi-service. Ce peut être les intermédiaires dans la relation travail qui contribueraient aux retards et aux erreurs dans la paie.

Pour ce qui est des obligations pécuniaires, la responsabilité peut être imputée à la personne usagère lorsqu’elle est l’employeuse, ainsi qu’aux intermédiaires dans la relation de travail, si cela est pertinent à la situation (article 95 de la LNT).


Pour les heures hors CES

Les normes qui entourent le salaire à intervalles réguliers s’appliquent à tous les employeurs (article 46 de la LNT). Si une travailleuse porte plainte à la CNESST (volet normes minimales) pour retard de salaire ou pour salaire impayé et que cette rémunération est liée aux heures qu’elle réalise hors CES, vous pouvez faire l’objet d’une réclamation par la CNESST.

Vol et exploitation financière
Je me suis rendu compte que la travailleuse a volé des biens m’appartenant. Que puis-je faire?

Nous exposons ici la marche à suivre lorsque l’on sait sans l’ombre d’un doute que la travailleuse du CES est l’auteure du vol.

 

Attention aux fausses accusations envers la travailleuse, situations qui peuvent arriver, notamment dans le CES. En effet, la travailleuse congédiée parce qu’on l’a faussement accusée d’avoir volé l’autogestionnaire peut déposer une plainte devant la CNESST (volet normes minimales), pour congédiement sans cause juste et suffisante, si elle a deux ans de service continu. Ce serait alors à vous de démontrer que le comportement de la travailleuse constitue une cause juste et suffisante. Même si elle n’a pas deux ans de service continu, elle pourrait intenter un recours devant la Division des petites créances, à la Cour du Québec.

 

Mettre fin à l’emploi, recours possibles de la travailleuse et les conséquences :

Ces recours peuvent, dans certaines circonstances, être disponibles pour les travailleuses ayant commis un vol. Cela ne veut surtout pas dire qu’une travailleuse ne peut jamais être congédiée, si elle est l’auteure d’un vol. Avant de congédier une travailleuse, nous vous suggérons de consulter un avocat ou une avocate, ou encore une clinique juridique à moindre coût (voir la section « Ressources »), qui pourra vous donner un avis juridique sur la légalité d’un congédiement. En effet, le vol peut constituer une faute grave qui brise le lien de confiance et peut, selon les circonstances, justifier un congédiement. Lorsqu’il s’agit d’une faute grave, l’employeur n’est pas tenu d’émettre un avis de cessation d’emploi (article 82.1(3) de la LNT). En attendant, si vous jugez que le lien de confiance est brisé et vous ne voulez pas que la travailleuse se présente au travail, vous pouvez lui demander de ne pas se présenter au travail, et appeler le CLSC ou d’autres ressources (par exemple, la ligne téléphonique Abus-Ainés, voir section « Ressources ») pour vous faire accompagner dans la situation. Des recours légaux sont possibles pour vous, nous vous les exposons dans les prochaines lignes.

 

Recours possibles pour l’autogestionnaire

Dans certaines circonstances, le vol peut être considéré comme étant de l’exploitation de personnes en situation de vulnérabilité au sens de la Charte des droits et libertés de la personne. Nombre d’autogestionnaires du CES sont considérés en situation de vulnérabilité selon la définition jurisprudentielle de cette Charte. Par conséquent, si elles croient être victimes d’exploitation, ces personnes ou leurs proches peuvent déposer une plainte à la CDPDJ qui évaluera la plainte et fera enquête, si jugée recevable.

 

L’exploitation des personnes en situation de vulnérabilité est définie ainsi selon les décisions du Tribunal des droits de la personne : il s’agit une mise à profit de la personne qui exploite d’une position de force par rapport à la victime et dont cette mise en profit se fait au détriment des intérêts de la victime qui est plus vulnérable. Enfin, l’autogestionnaire ou une personne proche peut déposer une plainte à la police. Vous pouvez entamer ce dernier recours simultanément avec une plainte à la CDPDJ. Cet organisme va de toute façon contacter la police si jamais des gestes de nature criminelle semblent avoir été posés.

 

Volé par une travailleuse? Pas de réparation de la part du CISSS/CIUSSS

L’intervenante au CLSC et/ou le Commissaire aux plaintes et à la qualité des services du CISSS/CIUSSS peuvent agir pour faire cesser la situation de vol et alerter les autorités, car chaque région a un plan concernant la maltraitance. Par contre, le CISSS/CIUSSS pourrait refuser de dédommager l’autogestionnaire qui a subi un vol de la part de la travailleuse du CES. Cette situation contraste avec celle des personnes usagères ayant un plan de services offerts par des auxiliaires de santé et de services sociaux du secteur public, ou alors par des préposées d’une entreprise d’économie sociale ou d’une agence privée ayant un contrat de sous-traitance avec le CISSS. Selon le Protecteur du citoyen, le CISSS/CIUSSS est tenu de dédommager la personne usagère pour le vol commis par ces travailleuses. Dans le cadre du CES, le CISSS/CIUSSS ne dédommagerait pas cette personne usagère. En effet, la travailleuse qui a commis le vol n’est pas sous la responsabilité civile du CISSS/CIUSSS. La même logique prévaut pour les fois où des biens sont abimés de façon involontaire par la travailleuse du CES.

Nous pensons que le MSSS doit prendre les moyens pour s’assurer que les autogestionnaires du CES soient dédommagées dans ces cas. Après tout, la travailleuse du CES intervient elle aussi dans le cadre d’un plan de services déterminé par un établissement public. Il est possible qu’une modification législative soit nécessaire pour assurer une telle protection. Les cas où l’autogestionnaire subit un préjudice à cause d’une erreur au travail de la part de la travailleuse du CES sont également problématiques à la fois pour les autogestionnaires et les travailleuses, et nous pensons qu’une protection dans le cadre de leur travail est nécessaire pour elles également. Nous parlons de ces cas dans la section sur la faute au travail.

La travailleuse a abimé/brisé un de mes biens
La travailleuse a abimé l’un de mes biens. Que puis-je faire ?

Comme nous avons exposé dans la question précédente, les autogestionnaires ne seraient pas dédommagés par le CISSS/CIUSSS lorsque la travailleuse abime un bien de façon accidentelle. Ces situations pourraient être couvertes par certains types d’assurances privées (certaines assurances personnelles en responsabilité civile, qu’on retrouve dans les assurances habitation, par exemple). Il est prudent de se renseigner d’avance auprès de la compagnie d’assurance pour vérifier si votre assurance couvre ces situations, et de l’aviser de la présence de la travailleuse chez vous. Nous sommes conscientes que tous les autogestionnaires n’ont pas les moyens d’acquérir ce type d’assurance.

Dans certaines circonstances, l’autogestionnaire a le droit de poursuivre la travailleuse devant la Cour des petites créances, en vertu du Code civil du Québec.

Caméras de surveillance
J’ai installé des caméras de surveillance dans ma maison. Puis-je filmer une travailleuse pendant qu’elle est au travail chez moi ?

Vous pouvez, vous comme autogestionnaire ou votre famille, utiliser des outils de surveillance des employées durant les heures de votre prestation de travail, mais seulement dans le cadre de certaines situations et selon des paramètres très précis.

L’utilisation des caméras comme outil de surveillance est une atteinte aux droits des travailleuses et des travailleurs. Les employeurs doivent pouvoir justifier qu’ils utilisent ces dernières lorsque les paramètres nommés ici sont tous présents : 1) l’objectif est légitime et important; 2) L’utilisation de la surveillance est liée à l’objectif et son utilisation est proportionnelle à cet objectif ; 3) L’utilisation d’un outil de surveillance est la seule façon d’atteindre l’objectif. La plupart du temps, la caméra ne peut être braquée sur l’employée de façon continue tout au long de sa prestation de travail. Par exemple, un autogestionnaire qui voit son argenterie disparaître pièce par pièce pourrait braquer une caméra sur l’armoire où est conservée l’argenterie, mais ne peut pas utiliser une caméra intelligente pour suivre la travailleuse tout au long de sa journée de travail.

Nombre d’autogestionnaires du CES sont considérés en situation de vulnérabilité. Ces personnes sont plus à risque de subir toutes sortes de maltraitance, que celle-ci soit de nature physique, financière, sexuelle, etc. Un autogestionnaire qui a un motif raisonnable de croire que sa sécurité ou celle de ses biens sont compromises, et/ou qui est victime de maltraitance peut utiliser une caméra comme outil de surveillance. La notion de « motif raisonnable » est importante ici. La sécurité ne peut pas non plus servir d’excuse commode pour surveiller les moindres faits et gestes des employées.

Par contre, l’employeur peut aussi utiliser des caméras pour sécuriser les lieux du travail. Cela est permis dans la mesure où la caméra ne sert pas à filmer la prestation des employées. Les caméras extérieures qui filment les gens qui se présentent à la porte d’entrée sont un exemple. À ce moment-là, la caméra n’est pas considérée comme un outil de surveillance des travailleuses.

Quels sont les paramètres à prendre en compte lors de l’installation d’une caméra?

En cas de « motif raisonnable » justifiant l’installation d’une caméra comme outil de surveillance (voir ci-dessus), voici les paramètres que vous devez respecter. Nous nous sommes en partie basées sur un règlement présent dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux et servant à gérer l’utilisation d’outils de surveillance dans les CHSLD. Ce règlement a été adopté en 2018 dans la foulée de la nouvelle Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les ainés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité.

 

La travailleuse doit être informée de l’existence d’un outil de surveillance. L’angle de la caméra devrait être pointé vers l’autogestionnaire, et non vers la travailleuse parce que à ce moment-là l’atteinte aux droits d’une travailleuse est moindre. L’autogestionnaire ou sa famille est responsable de la confidentialité des données amassées avec l’outil de surveillance et doivent s’assurer de la sécurité des images récoltées. L’identité des personnes captées avec l’outil de surveillance doit être confidentielle, sauf auprès des autorités chargées d’enquêter sur un cas de maltraitance allégué. Le plus possible, on limite au minimum l’accès aux images recueillies. L’outil de surveillance n’est pas une installation permanente: son utilisation doit être réévaluée au bout quelque temps et enlevée lorsque ce n’est plus une nécessité. Dans le règlement sur les CHSLD, on parle d’une réévaluation nécessaire tous les six mois. Les images doivent être détruites lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.

 

L’utilisation de caméras est permise pour d’autres motifs que la surveillance d’employées, mais l’employeur devra faire la preuve qu’elles ne le permettent pas la surveillance des employées.

Faute au travail et CES
La travailleuse a commis une faute et j’ai subi un préjudice à cause de cela. Par exemple, j’ai été blessée. Que puis-je faire ?

Dans le cadre du CES, les gestes de la travailleuse peuvent avoir un impact sur la santé et la sécurité des autogestionnaires. Par exemple, la travailleuse peut se tromper dans la distribution d’un médicament, ou blesser cette personne en la déplaçant.

Pour les AVQ et les AVD : le CISSS n’assume pas la responsabilité civile à l’égard des erreurs et fautes des travailleuses du CES. Il se porte pourtant garant à l’égard de celles des autres travailleuses offrant de l’aide à domicile, lorsqu’elles travaillent pour le CLSC ou pour une entreprise sous-traitante du CLSC. Devant cet état de fait, l’autogestionnaire ou sa famille peut poursuivre la travailleuse du CES en cas de faute. Comme les travailleuses du CES sont souvent précaires, elles ont peu de moyens financiers. Nous pensons que cette avenue n’est pas la bonne et penchons plutôt du côté d’un changement dans la politique du MSSS, pour que celui-ci s’assure que la responsabilité civile dans le CES est prise en charge. Un changement législatif est peut-être nécessaire. En attendant, il serait prudent que les travailleuses du CES se prennent une assurance professionnelle qui couvre la responsabilité civile, mais toutes ne le font pas étant donné qu’elles ont souvent peu de moyens. Pour les fautes réalisées lors de la réalisation de certains actes médicaux délégués que des travailleuses du CES donnent parfois, la situation peut être un peu différente, comme nous verrons plus loin.

 

Responsabilité pour les actes délégués selon la Loi 90

La travailleuse offrant de l’aide à domicile dans le cadre d’un plan de services du CLSC peut pratiquer des activités d’exception confiées au personnel non professionnel, communément appelées « actes délégués selon la Loi 90 ». La condition incontournable est d’avoir suivi une formation individualisée avec une infirmière du CLSC et d’avoir son approbation pour réaliser ces actes délégués. Cette infirmière doit être présente la première fois que la travailleuse du CES exerce un acte médical délégué et elle agit par la suite à titre de personne-ressource pour cette travailleuse. Les travailleuses du CES ont la responsabilité de s’assurer qu’elles ont la formation individualisée et l’approbation de l’infirmière du CLSC. Elle doit informer le CLSC si ce n’est pas le cas. Elle est responsable des erreurs qu’elle commet, qu’elle ait suivi ou non la formation individualisée. L’infirmière qui forme une travailleuse du CES pour ces actes médicaux délégués n’est pas responsable si cette dernière commet une erreur. Par contre, sa responsabilité est d’offrir la formation et de s’assurer que la travailleuse du CES sait effectuer correctement les actes délégués. L’infirmière fait également le suivi. Par exemple, lorsque la dose du médicament change. Elle a aussi la responsabilité d’assurer la continuité des soins si la travailleuse du CES communique avec elle d’urgence, à cause d’une erreur que cette dernière a commise dans la distribution d’un médicament. Donc, dans certaines situations, la responsabilité civile du CISSS/CIUSSS pourrait peut-être être engagée. Par exemple, certaines situations impliquant que la travailleuse qui a réalisé l’erreur faite dans la distribution d’un médicament a pu avertir tout de suite le CSLC, mais que la continuité des soins n’a alors pas été assurée.

Une erreur est survenue, quoi faire dans l’immédiat?

Notons que dans les cas où ce n’est pas possible de rejoindre le CLSC en cas d’erreurs liées aux « actes délégués selon la Loi 90 », la ligne Info-Santé 811 est disponible pour les problèmes dits non urgents. Ce service de consultation donne accès à une infirmière et il est disponible 24 heures du 24, 7 jours sur 7. Le Centre antipoison du Québec est également disponible en tout temps pour répondre aux cas où il y a eu mauvaise utilisation d’un médicament (1 800 463-5060). Notons que la ligne 911 est disponible pour les urgences.

Harcèlement psychologique : obligations d’employeur
Les employeurs ont des obligations quant aux situations de harcèlement psychologique au travail. Quelles sont-elles ?

Comme employeur, vous avez des responsabilités à cet égard. Qu’est-ce que le harcèlement au travail? En voici des exemples : une travailleuse qui se fait hurler dessus, qui reçoit des menaces ou qui se fait bousculer, qui est frôlée de façon répétitive, qui reçoit plusieurs commentaires dégradants. Plusieurs recours existent pour elle, dont le recours en cas de harcèlement psychologique en vertu de la LNT. Le harcèlement psychologique comprend notamment le harcèlement à caractère sexuel et le harcèlement raciste. La Charte des droits et libertés de la personne interdit aussi le harcèlement discriminatoire lié aux caractéristiques personnelles qui y sont protégées, y compris le harcèlement sexuel.

En vertu de l’article 81.19 de la LNT, tous les employeurs ont l’obligation de prendre les moyens raisonnables pour que le milieu de travail des personnes salariées soit exempt de harcèlement psychologique et faire cesser toute pratique de cet acabit. L’une des obligations de l’employeur est de mettre en place une politique pour contrer le harcèlement psychologique, politique qui comprend un processus de plainte formel. Comme une telle chose est difficile dans le cadre du CES, nous suggérons que cette politique fasse état directement du processus de plainte en vertu de la LNT pour harcèlement psychologique (le recours se fait via la CNESST volet normes minimales, voir dans la section « Ressources » : Information concernant les obligations de l’employeur concernant le harcèlement au travail). Nous suggérons aux autogestionnaires de se doter d’une telle politique et d’en informer leurs proches.

Le recours en vertu de la LNT pour les cas de harcèlement psychologique a ceci de particulier qu’il vise l’employeur directement, qu’importe l’identité de la personne qui harcèle la travailleuse dans le cadre de son travail. Par exemple, une travailleuse du CES peut porter plainte à la CNESST (volet normes minimales) si le ou la colocataire de l’autogestionnaire est le harceleur ou la harceleuse. À ce moment, l’autogestionnaire est la personne qui serait poursuivie, si la CNESST (volet normes minimales) juge qu’il est l’employeur. L’employeur doit pouvoir démontrer à la CNESST qu’il a pris les moyens raisonnables à sa disposition pour prévenir et faire cesser une situation de harcèlement psychologique. La plainte de la travailleuse tombe à l’eau si l’employeur fait une telle démonstration. Est-ce que la responsabilité du CISSS/CIUSSS régional pourrait être engagée en tant qu’employeur pour les cas de harcèlement psychologique dans le CES traités par la CNESST? Nous ne pouvons pas répondre. À notre connaissance, il n’existe pas encore de décision du Tribunal administratif du travail qui interprète ces situations à la lumière des relations de travail du CES.

Harcèlement discriminatoire et droits de la travailleuse
Harcèlement discriminatoire

Nous explicitons ici d’autres recours qu’a la travailleuse lorsqu’elle est victime de violence au travail. Plus loin sont explicités les droits de la personne usagère, lorsqu’elle est victime de violence et/ou d’exploitation ou de maltraitance de la part de la travailleuse ou d’une autre personne.

D’autres recours que celui présenté plus haut existent pour les travailleuses victimes de harcèlement au travail, dont le recours pour harcèlement discriminatoire en vertu de Charte des droits et libertés de la personne. Dans le cadre d’un tel recours, la responsabilité du harceleur ou de la harceleuse peut être engagée même si cette personne n’est pas employeur. La responsabilité de l’employeur peut aussi être engagée en même temps, selon les situations. Pour une description détaillée de ce recours, nous recommandons aux travailleuses du CES de lire le Guide des travailleuses et travailleurs du Chèque emploi-service sur les droits et obligations relatifs au travail (voir l’adresse web où le trouver dans la section « Crédits et droits de reproduction », au début du présent document).

Harcèlement au travail : spécifiés du CES et les différents recours qui existent

Pour ce qui est du recours à l’encontre du harcèlement psychologique au travail que nous trouvons dans la LNT, nous avons ces réserves : il n’existe pas, à notre connaissance, de décision qui permet de savoir comment est interprété la notion de « moyens raisonnables », lorsque l’employeur allégué est une personne usagère du CES ou d’un autre programme d’allocation directe. Nous avons de sérieux doutes sur les « moyens raisonnables » que peuvent prendre les autogestionnaires lorsque le harcèlement dont est victime la travailleuse est le fait d’une personne proche aidante de l’autogestionnaire. Les autogestionnaires peuvent être dépendants des soins prodigués par la personne proche aidante. Plusieurs autogestionnaires sont en situation de vulnérabilité selon définition jurisprudentielle de la Charte, mais peuvent être vus comme étant employeur aux yeux de la CNESST (volet normes du travail). Il nous apparait mal avisé de faire reposer une telle responsabilité sur leurs épaules.

Le recours en vertu de la Charte pour harcèlement discriminatoire devant la CDPDJ n’est pas lié à un statut d’emploi en particulier et la responsabilité du harceleur peut être engagée directement. Ce recours nous semble mieux adapté aux travailleuses et aux autogestionnaires du CES, dans les situations où une caractéristique personnelle de la travailleuse est en cause et que le harcèlement n’est pas le fait de l’autogestionnaire. Notons que ce recours en vertu de la Charte est également ouvert à l’autogestionnaire si la travailleuse le harcèle sur la base d’une caractéristique personnelle.

Exploitation, maltraitance et autres abus subis par l’autogestionnaire
La travailleuse embauchée a proféré des insultes ou des menaces à mon endroit. Que puis-je faire?

Des mots durs peuvent être lancés par une travailleuse à cause d’un conflit de travail ponctuel – des insultes peuvent être échangées à la suite d’une mésentente autour de l’horaire de travail, par exemple. Ils peuvent aussi être plus graves. Ils peuvent d’ailleurs être l’expression d’un rapport de pouvoir qu’exerce la travailleuse sur l’autogestionnaire. Selon les situations, les recours ne seront pas les mêmes.

Premièrement, notons que la personne qui est désignée l’employeur (autogestionnaire, personne proche aidante) pourrait, selon les circonstances, congédier une travailleuse qui lance des insultes ou des menaces à l’endroit de l’autogestionnaire. Ce comportement pourrait être considéré une faute grave qui brise le lien de confiance. L’employeur n’est donc pas tenu d’émettre un avis de cessation d’emploi (article 82.1(3) de la LNT). Avant de procéder au congédiement de la travailleuse, nous vous conseillons de consulter une avocate ou un avocat, ou encore une clinique juridique pour avoir un avis.

Aussi, les insultes racistes, sexistes, homophobes ou transphobes, de même que des propos empreints d’âgisme ou de capacitisme sont interdits. Des insultes de ce type peuvent être lancées par la travailleuse, mais également par la personne usagère ou sa famille, à l’occasion de conflits qui peuvent survenir dans une relation de travail. La victime peut déposer une plainte à la CDPDJ, parce qu’elle est victime de discrimination en vertu des motifs énumérés à l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne (voir section « Ressources »). Cet organisme fera enquête, si la plainte est jugée recevable. Le fait d’être en colère au moment où les propos sont proférés n’est pas une défense acceptée par le Tribunal des droits de la personne.

Les insultes et les menaces peuvent être l’expression d’un rapport de pouvoir de la travailleuse envers l’autogestionnaire. La notion de maltraitance est souvent mobilisée dans ce contexte, parce que les gestes reprochés arrivent là où il devrait y avoir une relation de confiance. Il existe différents types de maltraitance, dont la maltraitance psychologique, physique, sexuelle, matérielle, financière, etc. Les actes maltraitants peuvent être plus ou moins graves. Selon le cas, la maltraitance pourrait aussi être considérée comme de l’exploitation envers une personne âgée ou handicapée, ce qui est interdit par l’article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Selon la situation, ces gestes peuvent aussi constituer une offense criminelle. Par exemple, les menaces de mort sont criminelles (article 264.1(1) du Code criminel). Ce n’est pas le cas de menaces de démission que peut proférer une travailleuse. Nous recommandons aux victimes et leurs proches de lire les recours que nous décrivons dans la prochaine question qui porte sur la violence sexuelle, parce que les recours sont sensiblement les mêmes pour les autogestionnaires victimes de maltraitances de toute nature.

Violences sexuelles, les droits de l’autogestionnaire
La travailleuse (ou le travailleur) fait des remarques, frôlements, gestes de nature sexuelle envers l’autogestionnaire sans son consentement. Que puis-je faire?

Cette question est importante. La violence sexuelle couvre un large éventail de situations se situant sur un continuum de gravité, pouvant constituer ou non une infraction criminelle. Aussi, pour des gestes de même nature, il existe dans le droit québécois et canadien différentes définitions pour les nommer : harcèlement discriminatoire, exploitation sexuelle, agression sexuelle, etc.

 

Les femmes en situation de handicap vivent à la fois de la violence perpétrée à cause du genre et à cause du handicap; elles sont plus à risque que l’ensemble des femmes d’être victime de violence au cours de leur vie, dont la violence sexuelle. Les usagères du CES sont donc plus à risque d’être victimes de violence sexuelle et celle-ci peut provenir d’un travailleur, d’une travailleuse. Ces gestes arrivent souvent lorsqu’une relation de pouvoir s’est installée, mais pas toujours.

 

Une réponse évidente est d’insister sur le fait que l’autogestionnaire ou une autre personne agissant comme l’employeur peut congédier cette personne sans avoir à émettre d’avis de cessation d’emploi, car il s’agirait d’une faute grave où le lien de confiance est brisé (article 82.1(3) de la LNT).

 

Ensuite, sachez que les recours mis à la disposition selon la situation et nommés ci-dessous peuvent aussi être entamés par l’autogestionnaire ou par une personne tierce qui est témoin ou qui a des soupçons, par exemple une personne proche aidante. Nous recommandons à ces personnes de débuter par une conversation avec l’autogestionnaire, pour savoir ce qu’elle désire faire. La ligne Abus-Ainés peut être d’une grande aide (voir section « Ressources »). Lorsque la vie de l’autogestionnaire pourrait être en péril, dénoncer n’est plus une option, mais une obligation légale. Cette obligation de dénonciation nait de l’article 2 de la Charte des droits et libertés de la personne. La plupart de ces recours ci-dessous sont adaptés à d’autres types de délits subis par l’autogestionnaire, par exemple les vols de biens.

 

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse 

Des gestes, remarques et frôlements de nature sexuelle non sollicités peuvent être définis comme étant du harcèlement sexuel. Rappelons que cela entre dans la définition du « harcèlement pour un motif interdit », en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, et à ce moment-là, c’est la CDPDJ qui traite les plaintes.

 

Dans certains cas, les gestes de nature sexuelle commis contre l’autogestionnaire du CES seraient considérés comme étant une situation d’exploitation sexuelle en vertu de la Charte. Le recours dans une telle situation s’exerce aussi devant la CDPDJ. Ce recours est disponible pour les personnes âgées ou en situation de handicap. L’exploitation peut prendre différentes formes (financière, sexuelle, etc.). On peut la concevoir comme étant une mise à profit d’une position de force que la personne qui exploite détient par rapport à la victime; cette mise en profit se fait au détriment des intérêts de la victime qui est plus vulnérable. Le mieux est de contacter la CDPDJ, la procédure est la même pour les deux recours (harcèlement discriminatoire ou exploitation). L’organisme contactera la police en cours d’enquête, si les gestes reprochés sont de nature criminelle. Toute personne qui a des soupçons peut contacter l’organisme pour déposer une plainte, le processus de dénonciation est confidentiel.

 

Les victimes peuvent aller chercher des sommes d’argent en guise de réparation pour les gestes commis grâce aux recours en vertu de la Charte, devant la CDPDJ et le Tribunal des droits de la personne. Le fardeau de la preuve est moins grand que devant la Cour criminelle et pénale, lorsqu’il y a plainte à la police. Il est possible de déposer une plainte à la police et aussi à la CDPDJ, les deux recours peuvent s’exercer en même temps. Rappelons qu’une victime d’une infraction prévue au Code criminel peut faire une réclamation en vertu de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’acte criminel (LIVAC). Notons qu’il n’est pas nécessaire qu’une plainte ait été déposée à la police pour bénéficier du soutien en vertu de la LIVAC.

 

 

Police

Au Canada, le harcèlement criminel et l’agression sexuelle sont interdits par le Code criminel. La victime, sa famille ou une autre personne peut déposer une plainte à la police. La victime de harcèlement criminel craint pour sa sécurité parce qu’une personne a proféré des menaces ou agit de façon menaçante – par exemple en suivant sa victime. Pour l’agression sexuelle, il y a trois degrés de gravité selon le Code criminel; ceux-ci dépendent du niveau de violence qui l’accompagne, et non de la nature des gestes posés. L’agression sexuelle est caractérisée par le fait que la victime n’a pas donné son consentement de façon libre et éclairée. Pour de l’aide, nous vous invitons à contacter les centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALAC) et les centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) de votre région (voir section « Ressources »).

 

Curateur public

Cet organisme paragouvernemental s’assure de la prise en charge des signalements reçus lorsqu’une personne est jugée inapte, qu’elle soit sous régime de protection ou que cette inaptitude est constatée lors d’une évaluation médicale.

 

CLSC/CISSS/CIUSSS local

Chaque CISSS/CIUSSS a un plan pour lutter contre la maltraitance, dont la maltraitance sexuelle. Comme la personne usagère reçoit des services du CLSC dans le cadre du soutien à domicile, elle a droit à ces services et peut avertir l’intervenante ou l’intervenant du CLSC. Sa famille peut aussi avertir cette personne. Chaque CISSS/CIUSSS est doté d’un Commissaire aux plaintes et à la qualité des services, qui peut agir afin d’alerter les autorités compétentes.

 

La travailleuse vit de la violence conjugale, que faire ?
La travailleuse à mon emploi est victime de violence conjugale de la part de son (ex)conjoint et ce dernier la harcèle même au travail, par courriel, téléphone ou message texte. Que puis-je faire?

Les travailleuses victimes de violence conjugale la subissent fréquemment jusque dans leur milieu de travail. Cela peut survenir non seulement par l’entremise de moyens de communication, mais aussi, par exemple, par du harcèlement près du lieu de travail, par l’intrusion de la personne violente dans ce lieu ou encore par sa communication avec les collègues ou l’employeur de la travailleuse. Nous suggérons aux autogestionnaires et aux travailleuses dans cette situation de communiquer immédiatement avec la ligne SOS Violence conjugale (1-800-363-9010), ouverte 24 heures sur 24, les services de police d’urgence au 911 ou encore avec une maison d’hébergement de sa région (elles offrent un soutien téléphonique 24 heures sur 24) (voir « Ressources »).

Le Projet de loi 59 propose de reconnaitre une obligation explicite pour l’employeur s’il sait qu’une travailleuse est exposée à ce type de violence. Si le Projet de loi 59 est adopté, il restera à déterminer quelle entité se verra attribuer cette responsabilité de l’employeur dans le cas du CES : l’autogestionnaire ou ses personnes proches aidantes ? Le CLSC/CISSS/CIUSSS ?

En tant qu’employeur, il faut savoir que la travailleuse vivant ou ayant vécu de la violence conjugale ou des violences sexuelles peut s’absenter jusqu’à 26 semaines durant une année, en vertu de la LNT. Pendant son absence, le lien d’emploi est protégé. Elle peut le retrouver après ce congé sans solde. Une travailleuse du CES peut trouver difficile de s’absenter du travail sans démissionner. Des mécanismes de remplacement temporaire institutionnalisé et permanent dans le CES n’existent pas, comme nous avons mentionné auparavant. Ces mécanismes existent pourtant pour les garderies éducatives dans les milieux familiaux. Dans le CES, un système de remplacement temporaire permettrait à une travailleuse de s’absenter sans que l’autogestionnaire subisse une rupture de soins.

Protection effective des travailleuses en situation de violence conjugale

Si le Projet de loi 59 est adopté, l’obligation de protection des employeurs face aux travailleuses victimes de violence conjugale serait maintenant incluse à l’article 51 de la Loi sur la santé et sécurité du travail (LSST). Nous avons vu que les mesures servant à prévenir ces dangers et incombant aux employeurs à l’article 51 de la LSST sont difficilement applicables dans le cadre des relations de travail du CES. En effet, ces mesures doivent être prises par la partie à la relation de travail qui opère la « gestion effective » des opérations. Nous pensons que cette protection doit être offerte par les établissements publics afin d’être effective. En attendant que la situation soit clarifiée, nous encourageons toute travailleuse victime de violence conjugale qui ne se sent pas en sécurité à son travail ou alentour de communiquer sans délai avec SOS Violence conjugale (1-800-363-9010) pour une évaluation du risque et des conseils de tout ordre.